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La résilience par les histoires

Il était une fois « Covid » dans nos vies

 

Comme beaucoup, l’histoire dominante du Corona, du Virus, du Covid m’a envahie. Cette histoire me confine !  Elle m’enferme et m’impacte en envahissant tout le champ informatif de façon dramatique. Elle est accompagnée par de nombreux autres récits qui à leur tour envahissent tout le champ narratif dans lequel je baigne un peu forcée. 

 

Des médias sociaux aux médias plus officiels, cette toile d’histoires à problèmes sature ma perception du monde :  guerre d’experts, complot politique, démocratie fatiguée, crise sociale, crise économique, gouffre financier, violences sociales annoncées, inégalités renforcées, incohérences scientifiques, informations mensongères, confinement prolongé, vieillards délaissés, violences conjugales amplifiées, répressions policières, héros fatigués, trafics de masques, hôpitaux saturés,  seconde vague annoncée …

 

Des récits d’une nature plus optimiste viennent, heureusement, contrecarrer cette invasion de mauvaises nouvelles : solidarités nouvelles, mise en réseaux, vidéo-conférences d’amitié, apéro virtuel partagé, applaudissements pour les infirmiers, partage de bonnes idées pour ne pas craquer, humour décalé, musiques d’amateurs …

 

Une première vague où le surf émotionnel ne fut pas aisé. Une seconde vague qui s’annonce encore plus perturbante car sans perspective finale, si ce n’est le chaos émotionnel que la récession qui s’annonce va entraîner.

 

Alors, je m’interroge. 

Quel est mon rôle, comme praticienne narrative, dans ce flux incessant d’histoires ?

Vais-je en ajouter une ? Vais-je moi aussi apporter ma recette pour faire face ? 

 

Comment déconstruire ce fabuleux récit « Il était une fois Covid dans notre vie » ?  Quelle narration nouvelle faire émerger ? Comment faire preuve de résilience dans ces temps de distanciation physique ?

 

La force des histoires 

 

Alors, je me suis dit que « Covid » en tant que personnage narratif pouvait être intégré à un récit de résistance. Forte de cette idée, j’ai alors invité plusieurs de mes clients venant de secteurs professionnels différents à des vidéo-rencontres pour explorer avec eux comment ce personnage avait croisé leur vie professionnelle et comment ils faisaient pour ne pas lui donner tout le champ.

 

L’intention posée était d’une part, non seulement de créer du lien entre ces diverses personnes croisées lors de mes interventions comme coach mais aussi de prendre une initiative pour sortir de ma mise en « quarantaine professionnelle » ! Et, d’autre part, déconstruire une histoire dominante qui bloque les énergies pour faire émerger des histoires alternatives porteuses de résilience et de ressources de vie.

Ce groupe, constitué d’une cheffe de service infirmier, d’une psychologue du travail, d’un directeur d’institution d’accueil pour enfants handicapés, d’une responsable d’un service de vente dans une grande entreprise, d’un responsable de logistique, d’un coordinateur de projets dans une start-up, d’un consultant en management et d’une employée dans une entreprise de transport, a entamé un parcours de cinq vidéo-rencontres. 

Cinq moments pour échanger, se dire et partager son vécu face à cette réalité pandémique vécue bien différemment par les uns et les autres. 

 

Pour déconstruire l’histoire dominante qui nous est imposée, nous avons exploré par étapes successives l’arrivée de Covid dans la sphère professionnelle et les impacts qu’il a eu sur le quotidien.

Après un moment d’inclusion utile à la mise en dynamique de mon petit groupe, la conversation débute autour de questions telles que : 

 

-       Comment Covid est-il entré dans votre vie professionnelle ? 

-       Comment Covid a-t-il modifié votre travail ?

-       Quelle place a-t-il pris dans votre organisation journalière ? 

-       A-t-il eu des alliés pour vous « coroniser » la vie ? Lesquels ?

-       A-t-il eu des opposants, des obstacles pour l’empêcher de vous nuire ? Lesquels ?

-       Quelles sont les expressions particulières qu’il utilise pour faire parler de lui dans vos échanges ? 

-       Comment s’y prend-t-il pour modifier votre rythme de travail ?

-       Quels comportements nouveaux a-t-il initiés ? Comment vous y êtes-vous adapté ?

-       Etes-vous en contact particulier avec lui ? Le fréquentez-vous de près ou pas ?

-       Quels sont les espaces qu’il habite et qu’il vous oblige à fréquenter ?

-       De qui vous sépare-t-il ? De qui vous rapproche-t-il ?

 

Notre deuxième et troisième rendez-vous ont eu pour but d’échanger sur les stratégies pour lui faire face au quotidien et identifier ce qui est commun et particulier. Mettre en avant, en les racontant, comment chacun a activé ses ressources internes pour faire face à la réalité pandémique et ainsi prendre conscience des forces de résiliences qui nous habitent. Nous avons réalisé pour cela « un arbre de Vie » une technique narrative pour se connecter à ses ressources et booster son estime de soi.

 

-       Et comment vous y prenez-vous pour l’éviter ou vivre avec ?

-       Comment faites-vous face aux modifications qu’il vous impose dans votre quotidien ?

-       Quelles sont les ressources que vous mobilisez pour lui faire face ?

-       Covid a-t-il aussi des impacts positifs sur votre vie professionnelle ? 

-       Qui vous aide à faire face à Covid ? 

-       Quels sont les réseaux que vous avez activés face à lui ? Parmi eux, y en-a-t-il de nouveaux ? Lesquels ?

-       Quelles habitudes, rituels souhaitez-vous maintenir dans le futur ? Quel sens cela a-t-il pour vous ?

-       Que refuserez-vous pour demain qu’il vous oblige aujourd’hui ? 

-       Quel choix avez-vous posé pour rester à la barre de votre vie dans ce contexte pandémique ?

-       Covid vous a-t-il permis des découvertes sur vous-même, votre entourage ? lesquels ? cela vous surprend-il ? 

-       Comment envisagez-vous l’après confinement ? Quelle sera votre première action ?

 

Raconter pour faire exister, contextualiser pour se libérer

 

La quatrième rencontre a interrogé la distanciation physique et les rencontres digitales

Imposées par les circonstances. Du télé-travail aux rendez-vous amicaux comment cela se traduit-il dans nos vies ? Nos échanges se sont structurés cette fois sur le mode « adapté » du co-développement (professionnel) et ont permis de mettre en évidence certains thèmes et questions à partir d’une situation-problème de départ proposée par un des participants.

 

Je vous livre ici sous une forme narrative le résultat de notre échange. En effet, dans la démarche de l’Approche Narrative (cfr Michaël White), le facilitateur (qu’il soit thérapeute, coach, formateur, praticien…) transmet toujours à son « client » le contenu de l’échange (appelé conversation) sous une forme « poétique ». 

Pourquoi ? Premièrement parce que l’expertise se trouve chez la personne et deuxièmement, parce que la forme littéraire ou poétique touche la dimension émotionnelle qui est une composante de notre humanité. Aspect souvent peu reconnu et pourtant tellement vital car lié à l’esthétique de nos vies. 

 

« Garde en toi la force de la joie liée aux relations vraies

Garde en toi l’envie d’étreindre, de prendre dans tes bras tes amis, collègues et famille

Garde en toi l’éthique comme boussole pour professer car tu as choisi le bon métier

Garde en toi ton libre arbitre et choisis le risque que tu assumes dans le respect d’autrui

Garde en toi la liberté avant le risque car tu es vivant(e) et veux le rester

Garde en toi le temps de la rencontre qui s’apprivoise même par écran interposé

Garde en toi le bonheur d’un apéro partagé

Garde en toi un visage démasqué 

Garde en toi la personne que tu étais avant, que tu es maintenant pour être celle que tu seras

Garde en toi tous tes étonnements car tu ne crains pas un demain dé-confiné. »

 

Nous avons mis en évidence (de façon rapide) la nécessité de mettre en CONTEXTE les informations, les décisions et les questions de sens. C’est là une dimension très importante en Approche Narrative.  Toute histoire se colore dans un contexte et pour pouvoir se réapproprier son histoire propre dans l’histoire partagée (le collectif) il est utile de voir ce qui dans cette histoire personnelle est influencé par le contexte et si cela nous convient ou pas. On appelle cette dimension « la déconstruction » concept emprunté à Michel Foucault. (cfr Savoir et Pouvoir) 

 

Nous avons aussi effleuré la notion de rapport au TEMPS. Le confinement a bousculé le rapport au temps suscitant frustrations et délices. Prendre le temps pour réfléchir et faire ce que nous avions peut-être négligé. Prendre le temps pour être à soi-même et être aux siens. Partager le temps du travail chez soi et être peut-être soit à l’aise avec cela soit être mis en difficulté avec cela. Le temps d’une reprise progressive de la normalité mais avec des changements et lesquels…selon quel rythme ?  Le temps de l’humain, le temps de l’économie, le temps de la maladie… le temps de la Vie et de la mort !

 

Nous nous sommes penchés sur la dimension des rencontres digitalisées. Rencontres virtuelles ou rencontres réelles ? La qualité et l’authenticité étaient présentes au-delà des écrans et pourtant cela ne peut être la norme dominante de nos relations sociales. Il faudra revenir au contact « physique » en dépassant peurs, craintes et masques protecteurs. Quels masques sociaux seront à maintenir et lesquels à abolir ? 

 

Nous avons aussi été connectés à nos émotions (tristesse, colère) et cela nous fait nous sentir humain. Ces émotions seront à prendre en compte bien davantage dans ce temps de crise et de suivi de crise. Comment respecter notre individualité tout en étant partie prenante d’un collectif ? Comment donner une part à cette dimension émotionnelle et reprendre l’action et le retour à plus de normalité sans se négliger ?

 

Des rêves comme démarche de résilience

 

Enfin lors de notre dernière rencontre, nous nous sommes branchés sur nos rêves … et avons analysé les fameux « Big Five » de l’économie libérale. Ces récits dominants qui imprègnent notre société capitaliste. En imaginant, à nouveau, que tels des personnages d’une fable nous leur adressions nos revendications. 

Quel est le monde dont vous rêvez pour après-demain ?

Quelle histoire nouvelle avez-vous envie d’écrire pour vous-même et pour la communauté humaine dans laquelle vous vivez ? 

 

-       Que diriez-vous au lion = le tout à l’actionnariat « Money, money, must be funny in a richman world »

-       Que diriez-vous au léopard = la performance à tout crin « I’m the best »

-       Que diriez-vous au rhinocéros noir = la croissance infinie « No limits »

-       Que diriez-vous au buffle = la compétition « Number one,the star system»

-       Que diriez-vous à l’éléphant = la conformité et l’obéissance « I like »

 

 

En répondant à ces questions nous avons tenté d’être plus conscients de notre pouvoir d’action.

 

Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin : la résilience passe par le collectif 

 

Nous avons échangé, nous avons appris ensemble, nous avons décidé d’agir aujourd’hui pour demain en écrivant déjà une autre histoire. Une histoire de résistance et de citoyenneté. Une histoire de maillage, une histoire de vivants. 

Nous avons décidé d’écrire une histoire de liberté plutôt qu’une histoire de sécurité confinée. Une histoire de résistance intérieure en nous connectant à nos ressources de vie.

 

Ecrire cette histoire c’est avant tout agir. La pratique narrative n’a d’intérêt que si elle mène à l’action … à une action de changement. Redonner à l’humain sa juste place.

 

C’est dans cette voie que je compte poursuivre ma pratique d’accompagnante : soutenir la résistance à la pensée unique d’un néolibéralisme tenté aujourd’hui de brader notre liberté contre notre sécurité et diminuer ainsi notre fraternité. 

 

Nous rêvons d’embrasser tout le monde, de passer du code social au besoin car nous sommes des êtres d’association et de fraternité ; 

Nous rêvons de découvrir de belles personnes à travers des rencontres collectives car nous sommes des êtres sociaux ;

Nous rêvons qu’on arrête les visites intempestives en maternité pour donner toute la place à la bulle papa, maman et bébé car la venue d’un enfant demande un accueil tranquille ;

Nous rêvons de reconnaissance pour le monde infirmier car cette profession doit être revalorisée ; 

Nous rêvons que le partage et la parole circulent car nous apprécions la diversité des opinions ; 

Nous rêvons de transmettre pour fertiliser les relations humaines car nous sommes des êtres apprenants, des vecteurs de contagion positive ;

Nous rêvons que tout le monde rigole car lorsqu’on a rigolé avec quelqu’un on ne peut plus le tuer ;

Nous rêvons que les discours « bool shits » insupportables cessent car on n’est pas des dupes ;

Nous rêvons de solitude pour déstresser mais de relations pour être confrontés car nous sommes la somme de nos relations ;

Nous rêvons de mots justes car les mots sont importants ;

Nous rêvons de mettre de l’art dans tous les secteurs de la société car l’innovation vient de la créativité.

Nous rêvons … et déjà nous faisons un pas vers ce rêve, ce rêve où une page blanche devient la plage où vivre une nouvelle histoire.

 

Non, Covid ne passera pas comme une norme évidente qui impose la distanciation physique et tous ses effets co-latéraux. Il sera le déclencheur d’une autre histoire, d’un rêve bien plus vivant, porté par chacun de vous … dans chaque être humain sommeille le monde tout entier.

 

Merci à Isabelle, Patrick, Chris, Patricia, Mina, Pierre, Vito, Geneviève, Hervé, Anouk, Catherine,Vanessa, Julio… 

 

Sonia Bonkowski

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